Perché sur une falaise, une étendue de collines s'offre à ma vue. Ces dunes verdoyantes semblent onduler sous le ciel bleu. En contemplant leur beauté, je me demande pour quelle raison ces deux merveilles de la nature ne se sont jamais fondues l'une dans l'autre. En me remémorant la couleur turquoise de certaines mers, je réalise soudainement que ce phénomène divin s'est déjà produit.
Toujours sur ma falaise, je surveille du regard l'herbe frétillante sur les collines et le bleu éblouissant du ciel. Je pourrais rester une éternité à absorber l'image de ces collines qui essaient de chatouiller le ciel avec leurs minuscules tentacules verdâtres.
En tant qu’heureux prisonnier de cet instant magique, j’observe le comportement étrange de cette verdure, qui se met à se transformer. Chaque brin d’herbe commence à s’élever dans les airs, un peu comme des serpents envoûtés par une flûte invisible. La colline verdoyante laisse alors place à un somptueux balai de lianes dansantes. Je me trouve maintenant nez à nez avec une jungle vivante. Chaque liane semble animée par un souffle de vie. Je n’avais jamais assisté à ce spectacle onirique.
J’ai le sentiment que ce souffle de vie si merveilleux provient d’ailleurs. Comme si le rêve était la surface d’un monde que je commençais à peine à découvrir. Quelque chose me dit que les images oniriques qui inondent nos nuits et nous distraient assez facilement ne sont que le reflet d’une plus grande vérité. De la même manière que les reflets d’un lac ne constituent pas le contenu du lac, les images oniriques ne constituent pas l’essence même du rêve, qui est le « néant ».
Le « néant » donne vie à tout ce qui prend instantanément vie à l’intérieur de celui-ci.
Toute image, tout personnage, toute couleur, toute forme, tout évènement qui surgit dans le « néant » n’est pas le rêve en lui-même, mais n’est que le reflet de nos pensées, émotions, peurs, désirs. Le « néant » est la « matière » qui permet à ces reflets d’exister, de prendre forme, tout comme l’eau est la matière qui permet de refléter un ciel ou une colline. Quand nous regardons le reflet du ciel dans l’eau, nous voyons le reflet « ciel » mais nous regardons en réalité l’eau. Dans un rêve, aller au-delà des apparences, voir au-delà du reflet (les images oniriques), c’est reconnaître, apercevoir, ressentir le « néant », la force de vie non-apparente, le "non visible".
Nous ne sommes alors plus guidés par les images auxquelles nous accordons trop d’importance, nous savons qu’en agitant la main sur la surface d’un lac, le reflet se brouille. En rêve lucide, notre lucidité permet de brouiller l’image onirique, ce qui peut être efficace quand on a à faire à une image désagréable (qui prenait toute notre énergie) : on peut alors faire disparaître un monstre ou un personnage. Nous ne sommes cependant pas obligés de brouiller l’image, si on veut l’observer en toute conscience. Car en brouillant l’image, une autre va faire faire son apparition et tenter de nous distraire et de nous faire perdre notre lucidité (après avoir brouillé un reflet, l’eau se calme, la surface redevient lisse, et un autre reflet peut apparaître,). Il faut plutôt essayer de laisser l’image prendre vie en face de nous. Peu importe ce qui se trouve devant nous en rêve, laissons cette image exister (ou plutôt laissons-lui croire qu’elle existe, qu’elle a une vie inhérente. Ce qui est faux : une image onirique ne prend vie que parce que nous lui en accordons une et parce que le « néant » lui permet d’exister.)
En laissant les images, les couleurs, les lieux, les personnages apparaître devant nous, en toute lucidité, il faut garder en tête que ce ne sont que des reflets du « néant ». En se concentrant trop sur ces images, on s’y perd et on se remet à avoir peur du lion, à réagir agressivement à tel personnage, à succomber au charme de telle créature attirante. Du coup, on oublie que ces images sont créées à partir du « néant», on oublie simplement que ce sont des illusions. Le but est, tout en acceptant ce qui s’offre à nous en rêve et tout en gardant notre lucidité, de se concentrer sur ce qui n’est pas manifeste, essayer de percevoir l’eau qui fabrique (à l’aide de nos sens) ces reflets.
Essayer de me plonger dans cette eau, voici mon objectif du moment, Lao, tu peux le mettre dans le planning ? </joke>
EDIT : Le récit du début est un RL que je m'étais amusé à imaginer.