Je réponds un peu tard parce que je voulais fournir une réponse étoffée.
Donc si je comprends bien il y a d'énormes différences entre RL et RN de part que le RN se manifeste en souvenir
Oui et non, disons que la seule (et énorme) différence qui existe entre RL et RN, c'est le degré de présence/conscience. Les deux états se passent sur le même plan et lors du même stade de sommeil (quoiqu'un peu différent pour le stade où l'on RL, car les recherches d'Hobson ont montré qu'ils se produisent pendant un stade de sommeil hybride) – les deux expérience RL et RN se passent grossièrement pendant le sommeil paradoxal, c'est juste notre état de conscience qui change et qui différencie l'un de l'autre. C'est
grosso modo le même contenu, mais "éclairé" différemment dans le cas du RL.
Dans les deux cas, on vit un film sauf que dans le cas du RL, au lieu d'être perdu dans le film et ballotté à droite à gauche, on est bien présent sur le plateau, on peut discuter avec n'importe quel personnage et avec un peu d'entraînement, on peut ressentir la présence de l'équipe technique cachée derrière le décor.
Toujours est-il que dans la vie de tous les jours, les seuls cas où le cerveau enregistre les souvenirs de manière définitive et efficace, c'est pendant de rares cas : panique, traumatisme, pour le négatif, et immense joie, émerveillement, pour le positif. Dans tous ces cas, on est de gré ou de force impliqué avec tous nos sens dans la scène, on est présent à ce qu'on fait. Que ce soit en état de panique où le cerveau doit élargir au maximum son attention pour réagir au mieux aux événements ou en état d'extase, notre présence est considérablement accrue. Par conséquent, on enregistre beaucoup plus d'informations, même si les stimuli extérieurs sont faibles ou banals (par exemple les victimes de gros chocs ou accidents te raconteront toujours le petit détail qu'ils se souviennent en amont du choc, genre un feuille morte par terre ou la couleur du jean que portait untel).
Tout ça pour dire que
l'intensité du souvenir est corrélée avec l'intensité de l'état de conscience qui accompagne l'expérience qui en est le principe. Et c'est valable autant pour la réalité que les rêves. La lucidité que tu entretiens en rêve est comme une lanterne qui éclaire la moindre parcelle du décor. En RN, tu serais simplement passé à côté de cette parcelle sans faire gaffe. D'ailleurs j'ai ma théorie "jeu-vidéo" sur le sujet : en rêve, tout ce qui n'est pas directement présent dans ton "faisceau" d'attention
n'existe tout simplement pas. Comme en jeu vidéo, dès que tu avances tout droit, tout ce qui est sur le côté ou derrière n'existe pas (encore) et tant que tu ne bouges pas la "caméra" dans cette direction, le processeur de la console n'aura même pas besoin de te le montrer (même si maintenant les jeux vidéo sont tellement complexes que les détails qui n'existent pas dans le faisceau d'attention sont déjà présents dans l'ombre, les tâches d'arrière-plan).
La lucidité en rêve te permet de bouger ce faisceau d'attention où tu veux, de l'élargir encore plus qu'en rêve normal et en retour de prendre conscience d'une zone de potentialités quasi infinie. Ce qui fait que : beaucoup de détails apparaissent,
mais en plus pour certains détails c'est toi qui les crées sur le moment. Donc pour être pile dans le sujet, je dirais qu'en plus d'être plus présent et par conséquent de fabriquer plus de contenu susceptible d'être transformé en souvenir pour plus tard – en plus de ça,
pour certains de ces souvenirs, c'est toi qui les crées directement.
C'est-à-dire qu'étant pleinement dans l'instant présent, tu en maîtrises l'accès à tes souvenirs. C'est le petit plus du RL par rapport au RN.
Autre chose que j'ai pu constater dans mon parcours de RL'eur ou de rêveur en général, c'est que dans certains cas, tes souvenirs sont modifiés au réveil, ou dans cette zone de transition (sommeil léger) entre rêve et éveil. Si en rêve on se raconte une histoire, eh bien pendant l'éveil ou la transition, on se re-raconte cette histoire. Une partie de notre cerveau ou de notre psyché digère le film qu'il a vu, et de la même manière qu'on reconstruit un film en sortant de la salle de cinéma, on reconstruit un peu son rêve : les scènes inutiles sont effacées, les scènes marquantes sont retenues, si quelques scènes ont été hachées pendant le visionnage, elles sont recousues dans un tout cohérent, dans une ligne narrative. Quelque part, le travail du journal de rêve commence dans cet état de transition.
Ça peut paraître théorique et vague dit comme ça, mais je me souviens d'avoir vécu directement la chose pendant l'un de mes réveils. En quelque sorte, je jouais avec mon rêve, mon souvenir de rêve, et au même instant où j'émergeais, je construisais une histoire. Car il faut bien dire qu'une bonne partie de nos rêves sont vraiment décousus. Même certains RL contiennent des scènes floues ou des incohérences scénaristiques.
C'est vrai que beaucoup de rêves sont cohérents et se lisent facilement comme un "film" mais de par mon expérience, je suis de plus en plus convaincu (d'ailleurs c'est pas non plus une surprise quand on voit les études sur le sujet et même en voyant comment le rêve est perçu dans l'inconscient populaire) que le rêve est une matière difforme, vague et qui par moments accède au statut de vrai film stable et fluide.
Mais on ne me fera pas dire que l'image qu'on a d'un rêve stable et fluide de A à Z n'est pas due en grande partie à notre besoin de cohérence (formulé plus simplement : si l'on peut voir le rêve comme un film stable et cohérent, c'est dû en grande partie à notre besoin en tant qu'humain à se "reposer" sur des histoires claires).
Il y a des deux, il y a le rêve intense, et le rêve flou.
Mais quand même, on aime à ce point la cohérence qu'on "arrange" volontiers la narration d'un rêve pour le rendre lisible dans un journal ou compréhensible à la personne à qui on le raconte le matin au petit déjeuner.
Dans la journée, on reconstruit ses souvenirs 24h/24. Dès le moment où tu poses tes clefs chez toi le soir, tu as recréé un souvenir, effacé des trucs inutiles, parce que le cerveau a ses failles, il veut construire une histoire. Cette capacité que le cerveau a d'oublier certains détails et certaines scènes complètement inutiles dans nos vies est indispensable pour la création d'une histoire. Et toute histoire est constituée de choix, d'oublis nécessaires, c'est un chemin qu'on prend d'une scène à l'autre.
Et c'est d'ailleurs pour ça que, comme je l'ai vécu plein de fois en RL, on passe par des moments complètements cons et banals. Genre d'une scène à l'autre, il peut se passer quelque chose soit d'inutile, soit de vague et au réveil on se dit : "Le rêve est un fourre-tout. Quand je ne suis pas lucide, ces scènes-poubelles sont directement effacées de ma mémoire. Mais on les vit quand même."