Voici un petit texte que je viens de lire sur "les songes d'incubation" que l'on retrouve aussi chez les Egyptiens.
Bonne lecture.
Rêves et guérison à Epidaure
Auteur : Laura WINCKLER
Philosophie et médecine
Dans la Grèce antique, à l'époque mycénienne, aux alentours du XVIe siècle av. J.-C., on adorait déjà dans les montagnes de la région d'Epidaure un dieu aux vertus curatives nommé Maleatas et dont l'autel était situé près d'une source. A partir du VIe siècle, un autel fut consacré au dieu Apollon et plus particulièrement à son fils Asclépios, l'Esculape des Latins, demi-dieu réputé pour ses capacités médicales.<?
La légende présente Asclépios comme fils du dieu Apollon et de la mortelle Coronis, fille du roi de Thessalie. Il fut confié durant son enfance au maître le plus sage de l'époque, le centaure Chiron, qui vivait en Thessalie. Ce dernier lui enseigna la médecine et l'art de reconnaître les plantes médicinales. Asclépios se révéla supérieur à son maître et fut reconnu par tous les Grecs. De son père Apollon, lui-même médecin, il hérita aussi de la science divinatoire, liée directement à la connaissance de la mort. Le serpent-devin, en tant que génie chtonien, est son symbole : capable de franchir sans bruit les fissures de la Terre, porteur de tous les secrets, il transmettait et révélait à Asclépios les mystères souterrains, ceux de la vie et de la mort. Asclépios avait aussi pouvoir de ressusciter les morts et c'est pourquoi Zeus le foudroya, afin qu'il ne modifie pas les lois universelles du monde.
Lorsque les pélerins arrivaient au sanctuaire d'Epidaure, ils savaient qu'ils entraient dans un lieu sacré et qu'ils devaient se livrer corps et âme à la miséricorde divine. En franchissant les propylées (le portique à colonnes qui constituait l'entrée du sanctuaire), on apercevait, gravées sur une stèle, les premières règles de conduite adressées aux fidèles :
"Quand tu entreras dans la demeure du dieu,
celle qui embaume l'encens, il faut que tu sois pur
et ta pensée est pure quand tu penses avec piété."
Le pélerin suivait ensuite la Voie Sacrée qui menait au Temple d'Asclépios. A l'intérieur se trouvait l'imposante statue du dieu, en or et en ivoire, le visage respirant le calme et la bonté, à laquelle le suppliant adressait ses prières. En quittant le temple, le pélerin se rendait à la fontaine sacrée dont l'eau servait aux purifications requises par le règlement. Près de là se trouvait l'autel où le pélerin offrait un sacrifice à Apollon et à Asclépios.
Après les prières, les purifications, les sacrifices, le malade subissait des épreuves d'ordre religieux, pour que sa foi devienne plus ardente et que son âme fût prête à s'approcher du dieu. Ces cérémonies initiatiques devant demeurer secrètes, aucune mention n'est faite du lieu ni de la manière dont elles s'accomplissaient. Ensuite, les prêtres qui guidaient les fidèles suscitaient en eux l'autosuggestion et la ferveur religieuse pour que le dieu leur apparaisse durant leur sommeil et qu'ils acceptent le miracle. Le recueillement était favorisé par les hymnes que psalmodiaient des chanteurs, les Péanistes.
Après les épreuves spirituelles, les prêtres conduisaient le malade dans l'Abaton (ou Adyton, portique de l'incubation). C'est là qu'il passait la nuit de la "grande attente". Dans des salles éclairées par une faible lueur mystérieuse dispensée par les lampes sacrées, les malades, en état de recueillement, l'imagination bouleversée, pleins d'angoisse quant à l'issue de la maladie, abandonnaient leur corps au sommeil. Les prêtres se retiraient, laissant les salles dans l'obscurité. Le dieu apparaissait en songe, opérait le miracle et, au matin, le malade se réveillait guéri. Avant de quitter le sanctuaire, il remerciait le dieu qui souvent désignait lui-même le don qui devait lui être consacré.
Le récit de soixante-dix miracles environ a été conservé par écrit. Aucune source écrite ne fait allusion à une intervention médicale des prêtres dans les premiers siècles du sanctuaire. La guérison était obtenue par la seule intervention du dieu. Mais avec le temps, le développement de la médecine ébranla la foi en l'intervention divine et le sanctuaire d'Epidaure qui risquait de perdre sa clientèle se "modernisa". Le rituel fut conservé mais, avant qu'il ne se couche dans l'Abaton, les prêtres demandaient au malade de leur décrire le mal dont il souffrait et lui donnaient les premiers conseils. Asclépios apparaissait au malade pendant la nuit. Le malade évoquait en songe les conseils des prêtres, les considérant comme des prescriptions du dieu. Le matin, il racontait son rêve et les prêtres, utilisant leurs connaissances médicales, interprétaient les conseils du dieu quant au traitement à suivre pendant le séjour du malade dans le sanctuaire. C'est ainsi que ce dernier cessa d'être uniquement un centre religieux pour devenir un établissement sanitaire.
L'utilisation des rêves pour la guérison des malades, et les résultats obtenus pendant des siècles semblent être la preuve de leur efficacité, même si la méthode demeure pour nous une énigme car nous avons perdu la clé des songes guérisseurs.
Laura WINCKLER