La suggestion peut bien entendu être très efficace.
Mais de tels mots "indicible", "innommable" sont si forts que l'on se dit que c'est un truc "de fou" sans pour autant pouvoir l'imaginer (et donc, ça ne prend pas - sur moi en tout cas) puis quand enfin on peut parce qu'il étaye, ça (m') amuse parce que c'est plus drôle qu'horrible et on se dit alors "ha ok... loul".
Comme tu dis, ça doit être une question de sensibilité.
Perso en lisant Le Cauchemar d'Innsmouth je ne comprenais pas pourquoi c'était une des nouvelles les plus connues (j'en avais lu des bien mieux). Ce n'est qu'à la dernière ligne, après avoir été dans la peau du narrateur pendant toute la lecture, que j'ai compris... tant j'ai été sonné, révulsé par la chute sournoise et les affreuses conclusions qu'elle suggère sur notre propre nature. Plus d'une semaine après j'ai eu droit à un rêve assez weird : Un homme qui, dans son grenier, s'était abîmé dans une méditation tellement longue qu'il avait développé un escarre d'une ampleur démesurée, à tel point qu'il n'avait plus de jambes et que le bas de son tronc ne ressemblait plus qu'à une sorte de pédoncule suivi d'une nageoire difforme, pataugeant dans une mare de sang.
Il y a aussi eu d'autres rêves dont le lien avec la nouvelle étaient évidents. C'est là que je me suis dit que Lovecraft avait mis le doigt sur quelque chose. Et c'est ce qui caractérise pour moi l'ensemble de son oeuvre : son pouvoir d'évocation morbide et son impact sur l'inconscient. Mais c'est Houellebecq qui en parle le mieux, je te conseille de lire son essai sur lui (H. P. Lovecraft : Contre le monde, contre la vie).
Je te conseille aussi d'écouter ce genre de bande son en lisant, ça aide bien à se plonger dans l'ambiance :
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