Il y a un petit passage de prélucidité dans ce livre qui m'a bien plu.
D'abord, un petit mot sur l'intrigue :
C'est une histoire complexe dont l'action se déroule en Grèce et réunit pour mieux les désunir deux couples de jeunes amants : Lysandre et Démétrius d'une part, Hélèna et Hermia d'autre part. Hermia veut épouser Lysandre mais son père, Égée, la destine à Démétrius, dont est amoureuse Hélèna. Lysandre et Hermia s'enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Hélèna. Pendant ce temps, Obéron, roi des fées, a ordonné à Puck de verser une potion sur les paupières de sa femme, Titania. Il entre dans la forêt avec Puck. Pendant la nuit, la confusion règne.
Le carré amoureux (Hermia, Héléna, Démétrius et Lysandre) est bien compliqué à suivre tout au long de la pièce, au fur et à mesure que les philtres d'amour viennent perturber leurs relations.
Mais venons-en au passage qui nous intéresse (il se passe dans les bois) :
Démétrius : Ce choses semblent petites et indiscernables comme de très lointaines montagnes qui s'effilochent en nuages.
Hermia : Je crois les voir d'un œil bigle qui dédouble tout devant lui.
Héléna : Moi aussi et Démétrius fait figure pour moi d'un joyau trouvé qui est à moi et n'est pas à moi.
Démétrius : Êtes-vous bien sûr que nous soyons éveillés ? Il me semble que nous dormons encore, que nous rêvons. Ne pensez-vous pas que le Duc était là et nous disait de le suivre ?
Hermia : Oui, lui et mon père.
Héléna : Et Hyppolita.
Lysandre : Et il nous dit, en effet, de le suivre au temple.
Démétrius : Alors, alors nous sommes bien réveillés. Suivons-le et, chemin faisant, nous nous raconterons nos rêves.
On voit bien qu'on a, dans ce peu de phrases, toutes les étapes que peut prendre le questionnement de l'environnement dans un rêve :
Brun :
Signes de rêvesDémétrius remarque le caractère onirique de la situation dans laquelle les personnages se trouvent. Hermia, quant à elle, remarque quelque chose d'étrange en ce qui concerne sa propre perception des évènements. Et Héléna questionne l'amour de Démétrius (l'amour de ce dernier pour Héléna a été provoqué par un philtre d'amour).
Bleu :
Remise en question de l'environnementLe personnage Démétrius pose la question type "suis-je en train de rêver ?", mais il la pose au nom des quatre personnages qui partagent le même environnement et ont vécu les mêmes évènements. Il ajoute une question concernant le dernier évènement qu'ils ont vécu (et qui semble être le déclencheur initial de prélucidité) : Thésée (le Duc) était présent (avec Egée, père d'Hermia et Hippolyta, sa fiancée) et a dit aux quatre amoureux (Hermia, Héléna, Démétrius et Lysandre) de les suivre au temple.
Vert :
Réponse à la questionHermia, Héléna et Lysandre répondent tous les trois affirmativement à la question de Démétrius, à savoir : Thésée (le Duc), Hippolyta et Egée étaient bien présents et leur a bien demandé de les suivre au temple (Hippolita est la fiancée de Thésée).
Pourpre :
Conclusion du questionnement de DémétriusPuisque les quatre personnages s'accordent à dire que ce fait s'est bien déroulé, ils sont bel et bien éveillés.
Conclusion : pourquoi ne peut-on pas parler de lucidité ?
La prélucidité est le fait de se poser des questions quant à la nature de son environnement : "est-ce un rêve ? suis-je bien éveillé ?". Le fait de se poser la question relève bien d'un état propice à la lucidité mais tant que le rêveur n'a pas conclu qu'il était bel et bien en train de rêver, on ne peut pas parler de lucidité. Si le rêveur conclut qu'il est réveillé, malgré son questionnement et les évènements bizarres qu'il a vécus, il n'aboutit pas à la lucidité et le rêve redevient normal.